Traversée de la France, 7ème partie : de Pamiers à Labastide Rouairoux

Récit du 14 au 23 août :


Voilà 41 jours que nous marchons :


Pour ceux qui suivent un peu, ils pourront noter une ellipse d'une certaine amplitude dans le récit. Effectivement, j'ai fini le précédente épisode par " Voilà 33 jours que nous marchons "... Feignantise ? Manque de temps pour écrire ? Pas d'intérêt sur cette partie ? En fait un peu de tout ça... et en même temps pas vraiment. C'est que le retard s'accumule, que certaines etapes finissent tard, que des courageux nous rejoignent sur la traversée pour partager un bout d'aventure, que la fatigue pointe parfois le " bout de son orteil ", que etc. 


Alors pour ces 8 jours entre Pamiers (Ariège) et Labastide-Rouairoux (aux portes du parc naturel régional du Haut-Languedoc), je vais vous la faire courte, en mode " dissertation " de CM1 quand il faut raconter à la maîtresse et sa classe ses vacances d'été (sûr que certains apprécieront le style et la durée de la lecture, non ?). Et comme j'étais pas trop mal en classe, il ne devrait pas y avoir trop de fautes d'orthographe :

Avec ma petite copine Justine, nous continuons notre longue randonnée pédestre à travers la France. Nous passons au milieu de grands champs de maïs et de tournesols. Je ne comprends pas pourquoi ces grandes fleurs jaunes ne tournent pas leur tête vers le soleil comme la maîtresse nous l'a racontée. Les panneaux de randonnée ne nous l'expliquent pas, mais ils expliquent que les grands champs de maïs datent des années 70, à l'époque où l'agriculture est devenue extensive et a abandonné le modèle paysan. Il fait chaud et il n'y a plus d'eau dans les petits ruisseaux. Les maïs sont arrosés toute la journée pour pousser... Mais d'où vient toute cette eau ? Restera-t-il de l'eau pour prendre une douche et boire un bon verre d'eau fraîche demain ?


Un midi, nous pique-niquons à côté d'une belle vieille église construite sur un gros rocher orange. L'entrée se trouve dans la roche. C'est pour l'instant mon pique-nique préféré depuis que nous avons quitté les Pyrénées ; l'endroit de Vals est magnifique pour manger un sandwich et des chips.

Pour une fois, nous faisons un bivouac cette nuit. Depuis une semaine, nous dormons souvent dans les campings car les champs et les habitations prennent beaucoup de place. Et comme il fait très chaud, c'est bien de prendre une douche pour éviter de coller au matelas gonflable. Dans le tout petit village de Manses, nous trouvons une petite place plate près du vieux pont pour planter notre tente. Pendant que nous préparons le dîner, les hirondelles volent au-dessus de nos têtes et les nuages deviennent rouges. C'est très agréable : vive le bivouac !


Le lendemain, nous marchons beaucoup. 30 km, avec notre maison sur le dos (même si elle est légère pour une maison), c'est comme si on marche 50 km ! C'est long, mais cet après-midi, le paysage est plus intéressant. Nous suivons pendant un bon moment une crête. De là-haut, nous voyons toutes les Pyrénées, loin, très loin vers le sud. Des panneaux (installés par des personnes qui doivent être très sympathiques pour penser aux randonneurs de passage) indiquent les différents sommets. On voit le Vignemale que nous avons passés il y a plus de 2 semaines, et le Canigou, celui qui domine la mer Méditerranée. 


Après cette crête, en marchant vers Carcassonne, vers l'Est, nous arrivons dans un climat plus méditerranéen. Moins de maïs et de tournesols, plus de vignes pour faire du vin... Pour notre 36e nuit de la traversée, nous plantons la tente entre le chemin et les vignes. Dommage que le raisin ne soit pas encore mangeable...

À Carcassonne, nous retrouvons la ville. Le chemin qui longe la rivière pour arriver au Pont Vieux est rempli de crottes de chien. Ça sent mauvais, et on ne peut pas s'asseoir dans l'herbe pendant 2 km. Ça donne envie de faire demi-tour et de retourner tout de suite dans la nature. J'aime les chiens, mais je me dis que dans les villes, ils ne doivent pas être heureux. Nous n'aimons pas faire nos besoins là où les autres l'ont fait, mais à Carcassonne, les chiens n'ont pas le choix. Les humains les obligent à vivre une vie sale, contre leur nature. Rendons leur dignité aux chiens des villes !

L'après-midi dans la vieille ville et la citadelle est heureusement meilleur. Quand il y a plein de touristes, la ville est propre. La maman et le papa de Justine nous ont rejoint pour marcher 3 jours. Nous visitons Carcassonne avec eux et mangeons dans deux excellents restaurants. Cuisse de canard confite et steak de thon au menu : ça change de nos repas en bivouac ! Je sais que ça fait beaucoup de viande et de poisson sur une journée, mais bon, nous n'en mangeons presque pas d'habitude. Manger trop de viande et de poisson n'est pas bon pour la planète, mais de temps en temps, pourquoi pas... C'est tellement bon, surtout dans cette région qui sait bien cuisiner.

Après avoir bien mangé, bien bu et bien dormi, nous partons en direction de la Montagne Noire. C'est la première montagne du massif central quand on vient du sud. Depuis déjà 3 jours, nous la voyons à l'horizon. Aujourd'hui, nous quittons pour de bon les environs des Pyrénées pour aller traverser le Massif Central. Ça fait bizarre, c'est comme si nous changeons de monde... Mais nous sommes contents d'enfin arriver ici, au pied de la Montagne Noire, car les 10 jours de piémonts pyrénéens ont été un peu long par moment.


Au début nous suivons le Canal du Midi. C'est plat, c'est souvent à l'ombre, c'est près de l'eau, c'est parfait pour que les parents de Justine s'échauffent. Ils ne marchent pas souvent sur de longues distances, alors nous espérons qu'ils arriveront en haut de la Montagne Noire... et qu'ils en redescendront en forme.

La 2e journée ne ressemble vraiment pas à la précédente. Ça y est, nous retrouvons la montagne pour monter au village de Pradelles Cabardès, à plus de 800 m d'altitude. Que ça fait du bien aux yeux de voir loin, très loin. Que ça fait du bien au corps de sentir les reliefs de la Montagne Noire sous nos pieds. En plus, avec Annie et Benoît, on y va doucement : c'est un bon entraînement en douceur, on a le temps de profiter et de prendre de belles photos... encore plus que d'habitude ! Il fait beau mais pas trop chaud, les Pyrénées étirent encore leurs silhouettes à l'horizon, le chemin est désert, les bruyères, les callunes violettes et les graminées jaunes colorent magnifiquement les pentes, les petits villages en pierre se succèdent, une dame nous offre des tomates... Souvent en voyage on se demande avec Justine si les habitants se rendent compte de là où ils vivent, de la beauté de leur environnement. En France aussi on se le demande... et on espère que nos deux compagnons de route se rendent compte de la chance de marcher ici.

Après une baignade dans le lac, un repas et une nuit bien " atypiques " dans le bar-restaurant de Pradelles Cabardès, nous montons les 400 mètres qui nous séparent du Pic de Nore, à 1200 mètres d'altitude. Le grand relais qui coiffe le sommet me rappelle la fusée rouge et blanche de Tintin ; ou alors une immense marque GR qui guide les randonneurs jusqu'au pic. Comme souvent, en haut c'est moins beau que dans la montée. Les touristes qui arrivent en voiture par la petite route ne savent pas ce qu'ils perdent. Les nuages passent à toute vitesse et cachent même parfois la grande fusée. L'ambiance est fantomatique mais trop fraîche : on passe vite de l'autre côté. Une heure après le sommet, Annie et Benoit partent vers l'ouest pour aller vers Mazamet ; nous partons vers l'Est pour aller vers Labastide Rouairoux. Bonne descente !

La face nord de la Montagne Noire est beaucoup moins intéressante pour le randonneur. Beaucoup de forêt de conifères, beaucoup de pistes, beaucoup d'éoliennes. À certains endroits, les bûcherons " new generation " sont venus avec leur engin pour raser la forêt. Raser, comme on rase la barbe ou les cheveux. Il ne reste plus rien, et même les souches et les racines sont mises en tas sur le bord du chemin. On appelle ça une coupe rase, comme si une bombe était tombée hier. Dans quelques années, on replantera des rangées d'arbres bien parallèles, on laissera pousser pendant 30 ou 50 ans, puis on enlèvera de nouveau le moindre poil qui dépasse. Quand on sait que ce n'est qu'en moyenne à partir de 50 ans qu'un grand arbre devient adulte et sert efficacement l'écosystème (par le stockage du carbone, la purification de l'eau, etc.), on se dit qu'il y a un " léger " problème écologique. 


J'ai entendu dire que l'on peut racheter sa mauvaise conscience et ses aller-retours en avion en replantant des arbres... La belle affaire quand on sait que ces compensations vont surtout dans ce type de forêt ! On arrête le petit escroc qui revend des marchandises sous le manteau dans un coin de rue... Pendant ce temps, des firmes pétrolières et aériennes nous escroquent à ciel ouvert, sans même personne pour se rendre compte de l'astuce (peut-être pas eux-mêmes, si ça se trouve). En coupant les arbres à ras trop jeunes, on ne fait qu'amplifier le problème qu'on essaie de résoudre, et on rend moche la forêt... enfin appelons ça plutôt des champs d'arbres. 


Par moment, aucun bruit ne résonne. Nous marchons dans un désert de bois. Les conifères sont les seules espèces à vivre : à leur pied pas d'autres plantes et sur leurs branches pas d'oiseaux. Il n'y a rien à tirer d'une forêt entière qui grandit en même temps et qui épuise toutes les ressources de la terre. 


Quand on revient dans un pan de forêt plus vieux, plus diversifié en espèces, on revit, nos yeux pétillent et les oiseaux chantent de nouveau. Puis, quelques centaines de mètres plus loin, le désert de nouveau... et ainsi de suite. Regarder le film Le Temps des forêts, vous comprendrez mieux. Comme pour le maïs qui boit toute l'eau dans les régions arides des piémonts pyrénéens et qui a réduit à peau de chagrin les haies, les autres cultures et donc la biodiversité, la culture de bois intensive et à très court terme appauvrit notre monde, jusque dans les forêts, pour qu'un investissement soit rentable sur 30 ou 40 ans, et pas à l'échelle de vie d'un arbre... C'est triste !


Mais nous allons nous consoler pour un bon weekend de repos dans une charmante maison d'hôtes de Labastide Rouairoux dans laquelle les murs sont tapissés de nature verdoyante... en attendant la finale du PSG !  Et là aussi, le résultat est bien triste ! Mais dans cette histoire, le bûcheron c'est Neymar...

J34 : Pamiers au bivouac à proximité de Manses (310 m) ; 4h30 ; 21 km ; + 250 m ; - 240 m


J35 : Manses au camping des Brugues, 3 km avant Fanjeaux (340 m) ; 7h ; 30 km ; + 550 m ; - 520 m


J36 : Camping des Brugues à Arzens, bivouac dans les vignes après le village (230 m) ; 5h ; 22 km ; + 250 m ; - 360 m


J37 : Arzens à Carcassonne (110 m) ; 3h45 ; 17 km ; + 50 m ; - 170 m


J38 : Carcasonne au domaine de la Matte, proche de Villegly (180 m) ; 4h45 ; 18 km ; + 100 m ; - 30 m


J39 : Domaine de la Matte à Pradelles-Cabardès, bar-restaurant le petit pradellois (830 m) ; 5h30 ; 19 km ; + 850 m ; - 200 m


J40 : Pradelles-Cabardès au bivouac avant Forail (860 m) ; 4h45 ; 19 km ; + 500 m ; - 470 m


J41 : bivouac avant Forail à Labastide-Rouairoux, chambre d’hôtes la Bastide du Thore (400 m) ; 2h45 ; 10 km ; + 100 ; - 560


J42 et J43 : repos, dodo, resto

0h ; 0 km ; + 0 m ; - 0 m


Max

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