Traversée de la France, 13ème partie : Des Tourres à La Brigue

Récit du 26 septembre au 1er octobre


Voilà 77 jours que nous marchons :


Grand beau ce matin. Par contre ça caille sévère ! Comment peut-il faire aussi froid à 1600 m fin septembre, dans les Alpes du Sud ? Moi qui espérais tant un été indien pour cet automne... Patience ; qui sait, dans une semaine il fera peut-être de nouveau 20 degrés à l'ombre en journée. Par " chance ", ce matin, la montée au col de Pal nous réchauffe vite. C'est qu'après la rivière de la Barlatte, on s'attaque un mur de 650 m de dénivelé ! J'ai toujours été marqué par l'explorateur polaire Jean-Louis Étienne qui déclare que tant qu'on marche, on n'a pas froid. Mouai... sauf que n'est pas Jean-Louis Étienne qui veut ! Juju galère à se réchauffer les extrémités, elle a les doigts bleus sous ses gants. Moi, je transpire au moindre effort et donc gèle au moindre coup de vent. Non, décidément, au-delà de l'effort, c'est bien l'ambiance fantastique de ce bout de France à l'écart de presque tout qui nous réchauffe (au moins le cœur!). Au sud, le paysage s'ouvre sur les multiples crêtes boisées qui s'étendent jusqu'à la Méditerranée (encore trop loin pour l'apercevoir celle-ci). L'arrière-pays de la Côte d'Azur, ses gorges et ses vieux villages, ses places animées par le son des verres de pastis et des boules qui s'entrechoquent... il est là, devant nos yeux, ce pays de douceurs... et nous nous gelons à 2000 m, quelle folie ! Nous aurions pu passer par le Verdon et les Préalpes d'Azur, mais bon, qui pouvait prévoir l'arrivée de l'hiver le 21 septembre ?


Non, non, rien à faire de la chaleur, comment pourrait-on être mieux qu'ici ? À l'ouest, la cime de Pal est parfaitement mise en lumière. Comme une artiste underground que l'on admire malgré qu'elle ne soit pas médiatisée, la belle n'a pas l'honneur des grands GR (grandes randonnées) et des hordes de randonneurs qui vont avec. Blanche, noire, verte, orange... cette montagne est pourtant épatante. Une parfaite inconnue qui ne manque pas de charme. Quand on voit ce que donne le succès sur nombre d'artistes ou de montagnes (stations de ski, sur tourisme...) peut-être doit-on se réjouir que le petit sentier que nous empruntons ne soit pas battu et rebattu par des dizaines de milliers de semelles Quechua chaque année... 


Pour finir de nous réchauffer, la cime de Pal se fait accompagner ce matin par des cœurs qui nous font l'honneur de leurs vocalises que deux à trois fois par an. Les cerfs brament dans la pente ; et nous avons même la chance de distinguer (pas trop mal) un groupe de 3 biches et leur Donjuan. Même de loin, voir le mal aux grandes cornes renverser sa tête pour démontrer toute sa puissance est quelque chose de fort.


Malgré toutes ces petites sources de chaleur provenant de la richesse de l'environnement, l'atmosphère se refroidit de plusieurs degrés entre le col de Pal et la Baisse de Barel ; la faute au vent glacial du Nord qui ne connaît aucune barrière ici. Pendant une grosse demi-heure, en louvoyant entre les exceptionnelles formations de roubines noires, nous vivons l'un des moments les plus difficiles de la traversée... et à la fois l'un des plus beaux. Au cours de ce laps de temps, je ne cesse de jauger le rapport bénéfice/risque d'enlever mes gants pour prendre des photos. Le ressenti de la température ne doit pas excéder les - 10 degrés. De grâce, profitez de ces clichés, ils ont été photographiés au prix d'une douleur certaine !!! Je désespère Juju en trainant de la sorte ; je suis comme un cancéreux qui ne pourrait s'arrêter de tirer sur sa clope trop bonne, même si elle le consume à petit feu...

Heureusement, passé la Baisse de Barel, l'exposition du vallon de Roya rend l'environnement moins " toxique " pour nos pauvres aux extrémités. Clairement on revit, à tel point que l'on s'accorde même une pause. Plus ou moins abrités du vent, plus besoin de faire marcher non stop notre moteur intérieur, le soleil suffit presque.

Voilà 78 jours que nous marchons :


Il fait encore plus froid ce matin sous la tente. Dans les gourdes, de la glace s'est formée. Quel " scandale " pour un 27 septembre, même pour un bivouac à près de 2000 m dans les alpage de Sallevieille ! A devenir climato-sceptique cette fin de traversée de la France ! Allez promis, une fois les " traumatismes " de la sortie du sac de couchage, de l'enfilement de la tenue de rando et des chaussures glacées et du démontage de tente, je redeviendrai sensible à la cause écologique. Mais pour l'instant, à l'ombre des sommets, nous sommes tous deux anesthésiés. Pendant la première heure et demie de marche, c'est comme si le soleil nous fuyait. On monte, on monte, on monte... et il se dérobe toujours derrière une barre rocheuse. Juju souffre vraiment et je peine aussi à réchauffer un ou deux doigts de pieds. Une matinée à nous dissuader de nous lancer dans l'alpinisme !


Sous le Mont Mounier, à près de 2700 m, nous retrouvons l'astre de vie. Ça va mieux, d'autant que le vent est moins fort aujourd'hui. Ce panorama est encore splendide, et ce malgré un voile nuageux qui nous barre l'horizon sur les lointains sommets alpins. Chose devenue rare depuis plusieurs semaines, nous croisons d'autres randonneurs. Non pas des adeptes du fameux GR5 (celui qui traverse toutes les Alpes) que nous avons rejoint depuis hier après-midi, mais plutôt des sportifs du dimanche. Vu la météo, même le GR5 semble déserté par les amateurs d'itinérance, tout comme le GR52a que nous avons suivi entre Colmars et les Tourres. Donc, si ce n'est sous le mont Mounier, nous jouissons de la montagne pour nous seuls... ou enfin presque, car nous devons la partager avec les nouveaux rois du pâturage, les patous ! Des rois qui ne partagent leur royaume qu'à certaines conditions, pas toujours très claires.

Depuis que nous nous baladons en montagne, nous avions toujours eu la chance de ne voir les patous que de loin, en prenant soin de contourner les troupeaux de brebis. Mais force est de constater que dans les Alpes du Sud, peut-être en raison de la forte présence de loup, les chiens de protection sont particulièrement vigilants. Hier déjà, un groupe de 4 molosses a littéralement fondu sur nous alors que le troupeau, en présence du berger, se trouvait à au moins 50 mètres ! Bon, on s'est dit qu'ils étaient sur les nerfs, la nuit ayant été peut-être fiévreuse à proximité d'une meute de loup. Mais non, le comportement qui consiste à japper, toute gorge déployée à moins d'un mètre des fessiers en exercice des randonneurs, semble être en fait la règle ici. Si jamais la journée semble un peu redondante ou que l'on " s'endort " en marchant, la rencontre avec les patous met un sacré coup de fouet ! On en sort avec une bonne décharge d'adrénaline et le cœur qui bat la chamade. Au-dessus de la vacherie de Roubion, " Merde, encore un troupeau de brebis en plein milieu du chemin ! Qu'est-ce qu'on fait ? On fonce dedans, les patous nous jappent dessus... On le contourne, les patous nous jappent dessus ". On prend la décision de contourner, mais pas de très loin car le berger est présent. Au niveau du troupeau, ce dernier nous indique que " Pas de problème, prenez le chemin ". Ni une ni deux, les molosses sortent de nulle part en un éclair de seconde ! L'un d'eux, pris dans son élan, jappe tellement près de Juju qu'il la pince légèrement au bras... puis très vite ils repartent comme si de rien n'était. On a le cœur par terre, mais bon, si on veut des loups dans nos montagnes, nos gros amis tout blanc et un tantinet zélés sont indispensables. On finira par s'y faire... Et puis ça réveille !


Peu après, nous nous arrêtons au bord d'un ruisseau pour pique-niquer, pensant que le troupeau part dans l'autre direction. Alors que je suis dans mes pensées, Juju sursaute : " Derrière toi, un patou ! ". La grosse tête bien blanche du chien se trouve effectivement à même pas 1 m de mon crâne. Le même qui a failli arracher un bout de bras à Juju quelques minutes plus tôt est là, pépère, sans qu'on l'ai entendu arriver, prêt à recevoir des caresses. Le guerrier est désormais un nounours tout poilu, inoffensif... comme un gars des forces spéciales qui rentrerait de Syrie, bourré de cicatrices de partout, tendre comme au premier jour avec femme et enfants. Dans le doute, nous nous levons, histoire de lui signifier (comme à ses compagnons de troupes qui le rejoignent) que nous ne sommes pas " faibles ". Le berger à toutes les peines à rappeler deux de ses chiens qui semblent se plaire à nos côtés. Après avoir fait connaissance de manière musclée, les chiens ne nous considèrent plus comme un danger et sont adorables. Ces bestioles posent de nombreuses questions sur la pratique de la randonnée en montagne, certes ; mais un patou, tranquille et en confiance, c'est drôlement beau.


Comme toujours dans le débat public, on résume la problématique du patou et du loup à un " pour ou contre " stérile. Mais en réalité, il me semble que l'on devrait plutôt se poser la question du " comment ". Pour les amoureux de montagne, il paraît évident qu'il va falloir apprendre à cohabiter avec les chiens de protection pour un long moment. Alors vraiment, chacun doit faire de son mieux pour vivre ensemble. Que ce soit les randonneurs qui doivent rester calmes, sans fixer dans les yeux le patou ou le menacer avec un bâton ; que ce soit les bergers qui doivent être présents auprès de leurs troupeaux et nouer une relation privilégiée avec leurs chiens (finie la thèse du patou qui doit être une brute sans relation humaine) ; que ce soit les autorités qui doivent autant que possible faire de la pédagogie auprès des acteurs et développer une " filière patou " certifiée... Tout le monde devrait donner du sien pour que la montagne reste un lieu de cohabitation riche entre des personnes d'horizons très différents. Petit à petit, il est à espérer qu'une " culture " du patou permettra à chacun de connaître sa place et les bons gestes. Et puis, c'est vrai, les morsures sérieuses arrivent. Mais franchement, comparées aux milliers d'hospitalisation chaque année dues aux attaques de chiens domestiques...

L'après-midi, après avoir traversés le plateau de Longon aux faux airs de steppes mongoles, nous descendons sur la prairie de Rougios pour un nouveau bivouac. Ce soir, emmitouflés dans nos duvets jusqu'au menton, c'est à peine si j'arrive à lire. Plusieurs cerfs brament aux alentours. Il s'agit à coup sûr de notre plus belle rencontre avec le brame : ça résonne de partout ! Nous qui pensions que dans le Mercantour nous ne croiserions peut-être pas de cerfs étant donné l'environnement montagnard... En fait, ils ont été réintroduits dans le coin dans les années 60 ; et force est de constater qu'ils se portent bien dans les forêts de mélèze et les pentes abruptes du parc national. Plusieurs fois dans la nuit, je suis réveillé par le bruit quasi incessant des cervidés... Une expérience unique ! Parfois, lorsque l'un d'eux se trouve à proximité de la prairie, le brame résonne dans le corps, comme lorsqu'on se trouve à bonne distance d'un lion qui rugit. Dans ces moments, on se sent totalement immergé dans la nature, par la force, ou plutôt la " vibration " des choses. Notre corps sensible baignant malgré lui dans la marche du monde, nous, êtres humains déconnectés, reprenons place au cœur des interactions vivantes. Cette petite tente posée au milieu d'une prairie fait alors office de porte " cosmique " pour un monde dont nous nous sommes égarés volontairement au fil de la modernité. Merci à ce bout de tissu et aux cerfs en rut de nous y replonger le temps d'une nuit. A charge de tenter autant que possible de mettre nos sens en exergue au quotidien pour ressentir d'autres stimulations naturelles moins " bruyantes " que le brame, comme d'innombrables portes vers ce monde d'interconnexions si riche...

Voilà 79 jours que nous marchons :


Ça brame encore un peu ce matin, mais ça fatigue. Notre tente est un glaçon. Il a plu en début de nuit et les gouttes ont gelé sur la toile. Ce midi, surtout, oh surtout, ne pas oublier de sortir la tente du sac pour la faire sécher au soleil ! Dans la descente vers Saint-Sauveur-sur-Tinée, il règne une ambiance toute népalaise. Le village perché de Roure, en pleine pente, rappelle les villages himalayens. Là-haut, la France nous semble bien loin, et pourtant nous y sommes.


Nous retrouvons un paysage plus " français " dans la succession interminable de villages pour gagner Saint-Martin-Vésubie. À la Bolline, nous passons devant le lycée. De leur fenêtre, les étudiants ont une vue imprenable sur les montagnes alentours. Nous marchons ici pour la beauté des lieux ; eux s'instruisent dans un environnement qui est le leur depuis leur plus jeune âge. Se rendent-ils compte de leur privilège ? Apprennent-ils mieux en disposant d'une vue comme celle-ci ? Ces questions nous travaillent... Je penche pour l'hypothèse que dans ce lycée, à niveau intellectuel et social équivalent, les jeunes rendent de meilleures copies. Des études américaines et japonaises montrent que le contact avec la nature (et même une simple vue sur elle) augmente la restauration de l'attention. En d'autres termes, et même si l'on peut trouver ça accessoire, il semble bien que la proximité d'un espace naturel permet d'apprendre plus efficacement. Pas si étonnant que ça quand on sait que pendant plus de 99 % de son évolution, l'Homme a interagit au cœur de la nature. Ça doit bien laisser quelques traces. Allez, tous dehors (quand il ne pleut pas!).

Voilà 80 jours que nous marchons :


1600 m de dénivelé depuis Saint-Martin-Vésubie... Une forêt de pins sylvestre magnifique... Une vue à 360° sur les massifs des Alpes-Maritimes à la cime de Piagu... Des patous qui nous escortent de près... Un agneau perdu qui nous suit quelques mètres... Une crête qui n'en finit pas de beauté... Un itinéraire en dehors de GR52... Une forme physique comme lorsqu'on traversait le Népal...


Mais surtout le ballet des cassenoix moucheté qui, en ce début d'automne, sont très certainement en train de faire leurs réserves pour l'hiver. Capable de casser des noix et des noisettes avec son gros bec, cet oiseau moucheté de taches blanches, au cri qui évoque un vieux réveil, me fascine. Penser qu'un " piaf " de cette taille cache graines et noix à de multiples endroits pendant l'automne, pour les retrouver sous plusieurs dizaines de centimètres de neige au cours de l'hiver, est franchement de nature à faire changer le regard sur le monde animal. Une " cervelle de moineau " qui détient un pouvoir de mémoire aussi puissant ? Alors que moi, Homo sapiens de dernière génération, je ne suis même pas capable de me rappeler d'une seule blague ou d'une phrase en allemand après 7 ans à avoir étudié la langue... Et si seulement il ne développait qu'une capacité mémo-spatiale. Mais non, notre ami cassenoix se rappelle aussi des réserves qu'il doit manger en premier au cours de l'hiver, et ce en raison de leur maturité. Quand on sait ça et qu'on y réfléchit un peu, le vol d'un groupe de quelques cassenoix passant de manière incessante d'un arbre à l'autre, disparaissant quelques secondes pour réapparaître plus tard, résonne différemment en moi. Plus qu'un oiseau quelconque qui vole, le cassenoix devient un être vivant bourré d'intentions, de stratégies... d'intelligence ?

Voilà 81 jours que nous marchons :


On enchaîne les journées exceptionnelles. Aujourd'hui ressemble aux étapes sur la HRP dans le parc national des Pyrénées : caillasse, caillasse, caillasse. Passé 2000 m d'altitude, l'environnement est essentiellement minéral. Entre la Madone de Fenestre et la vallée des Merveilles, sur le GR 52, point de grandes vallées pastorales, point de troupeaux de brebis, point de patous. Dans le cœur du Mercantour, en dehors de tous espaces viables pour les activités humaines, le sauvage a pleinement le droit de cité... au même titre que les randonneurs. Même en cette fin septembre, pas mal de curieux marchent dans le coin. En été, ce paradis rocheux doit être une autoroute !

Que dire des paysages ? Je n'ai pas les mots... je laisse plutôt les photos parler d'elles-même. Et franchement, au-delà des tableaux magnifiques que l'on découvre en passant les deux cols de la journée, c'est bien la proximité avec les bouquetins et les chamois qui marque sur cet itinéraire. Pour les bouquetins, animaux peu timides, je m'attendais à des rencontres " serrées ". Mais quelle surprise de pouvoir approcher les chamois de si près ! Plutôt " réservés " d'ordinaire dans les autres massifs français, ces ambassadeurs de la haute montagne font preuve ici d'une diplomatie peu farouche. Point de dérobade à notre passage tant que nous nous trouvons à quelques dizaines de mètres. C'est un vrai plaisir, tant avoir le temps d'observer ces beautés de la nature est un privilège. Au bas mot, nous croisons une cinquantaine de chamois dans la journée.

En fin d'après-midi, après 12 km de marche... non de sauts de caillou en caillou  plutôt... nous posons nos sacs à proximité du lac de Basto. Sans trop avoir le choix, nous dérangeons une harde d'une quinzaine de chamois installée sur une zone plate parfaite pour le bivouac. Quelques minutes plus tard, alors que Juju est parti chercher de l'eau au ruisseau et que j'enfile mes vêtements chauds pour la soirée, un jeune chamois s'approche de moi. Doucement, il s'avance dans ma direction sans me quitter des yeux. Qu'est-ce qui peut bien le pousser à agir de la sorte ? Je me dis que le mieux à faire pour ne pas l'effrayer est de continuer mon petit manège, sans faire de gestes brusques. Je n'en crois pas mes yeux ; il semble ne pas en croire les siens. Son " masque " facial noir et blanc et sa grâce dans le mouvement me subjuguent. Croiser aussi " longtemps " le regard d'un animal sauvage, " partager " un bout de vie en commun, tous deux dans l'interrogation, est extrêmement rare. Au bout d'une bonne minute d'approche, le chamois se tient à même pas une dizaine de mètres... quand Juju débarque avec ses gros sabots. Le chamois décampe à toute vitesse ! Dommage, j'aurais aimé savoir comment la rencontre entre la bête sauvage et moi se serait terminée, sans intrusion extérieure dans le petit monde que nous nous étions créé le temps d'une minute. 


Je parlais de diplomatie plus haut, en référence au terme qu'emploie le philosophe Baptiste Morizot pour parler des relations avec le sauvage qu'il appelle de ses vœux. Être diplomate dans la nature c'est, sur le modèle d'une bonne diplomatie dans les affaires étrangères, comprendre le monde et donc les intentions de son interlocuteur afin de rentrer en contact dans les meilleures conditions. Et dans des espaces naturels comme le Mercantour, pas besoin d'être biologiste, ethologue ou expert en relations internationales pour se rendre compte que la plupart des animaux sauvages ne supportent que très peu le bruit. Un quart d'heure à la suite de cet échange inter-espèce, un groupe de 4 randonneurs passe à une petite centaine de mètres de notre bivouac en parlant fort, en tapant bruyamment leurs bâtons contre la roche. De là où nous sommes, nous voyons les petits groupes de chamois alentours se carapater sans un bruit pour se mettre à l'abri sur des rochers, à l'aplomb du groupe de perturbateurs. Ces derniers n'ont a priori même pas aperçu les chamois ! Un bel exemple de diplomatie impérialiste : j'arrive quelque part et je me crois chez moi partout dans le monde. D'un côté les " américains " de la génération Bush Jr (les randonneurs), armés de bâtons et de voix criardes ; de l'autre les " afghans " (les bouquetins) et les " irakiens " (les chamois), dont le seul droit est de vivre ici et dont le seul pouvoir est de connaître par cœur la montagne. Comme dans les guerres de Bush, les randonneurs ont quelques bonnes raisons (c'est beau, c'est libre...) d'envahir le Mercantour (mais pas mal de mauvaises aussi...)... Le tout serait de le faire correctement, en bonne diplomatie avec les êtres qui vivent ici nuit et jour. Au pire, on ne parle pas autant que dans la vie de tous les jours... Au mieux, on peut rencontrer ce que l'on dit chercher dans la nature : l'altérité du monde sauvage.


Voilà 82 jours que nous marchons :


Descente sur la célèbre vallée des Merveilles, reconnue pour ses vieilles gravures rupestres disséminées ici et là sur les faces rocheuses magnifiques qui émaillent la montagne. Mais pour nous, pas le temps de traîner sur les traces de nos aïeux, 23 km et 2000 mètres de dénivelé négatif nous attendent pour rejoindre un hôtel à La Brigue avant la soirée. Demain, alerte rouge sur les Alpes-Maritimes : il va tomber des trombes et des trombes d'eau !

J77 : Des Tourres au vallon de Sallevieille (1970 m) ; 6h15 ; 19 km ; + 1300 m ; - 1010 m


J78 : Vallon de Sallevieille à Rougios (1460 m) ; 6h ; 20 km ; + 900 m ; - 1410 m


J79 : Rougios à St Martin Vésubie, gite d’étape (930 m) ; 7h15 ; 27km ; +1250 m ; -1780 m


J80 : St Martin Vésubie à Notre-Dame-de-Fenestre, refuge CAF non gardé (1900 m) ; 5h30 ; 14 km ; + 1550 m ; - 580 m


J81 : Notre-Dame-de-Fenestre au lac Basto (2400 m) ; 6h15 ; 12 km ; + 1250 m ; - 750 m


J82 : Lac Basto à La Brigue, hôtel Le Mirval (770 m) ; 6h15 ; 23 km ; + 300 m ; - 1930 m


Max

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