Je suis tombé un peu par hasard sur ce texte de Baptiste Morizot, le philosophe a qui l’on doit l’excellent essai Sur la piste animale. Ecrites l’année dernière, ces 26 pages avaient pour vocation de défendre le projet de Réserve de vie sauvage, Vercors vie sauvage, de l’ASPAS (Association pour la protection des animaux sauvages). Grâce aux mobilisations, aux dons et aux adhérents de l’association, la réserve a heureusement vu le jour cette année. Je vous invite d’ailleurs à prendre connaissance du formidable travail de l’ASPAS, qui cherche à redonner de la place et de la liberté au monde sauvage alors que de nos jours le bétonnage de la France se poursuit inexorablement.
Je ne pourrais mieux vous inciter à prendre connaissance de cette merveilleuse réflexion qu’en vous en proposant deux extraits. Outrepassant largement la défense du projet de l’ASPAS, Baptiste Morizot n’a pas son pareil pour rendre à la fois poétiques et très concrètes les problématiques touchant à notre rapport à la nature, à l’écologie politique ; pour battre en brèche les idées reçues sur la protection de la nature (qu’il n’aime pas signifier ainsi d’ailleurs). Baptiste Morizot est ce type d’auteur qui vous fait voir le monde d’une manière plus réjouissante, moins étriquée :
Extrait 1 (l'introduction) :
Lundi 6 mai 2019, l’IPBES rendait son rapport sur l’état de la biodiversité. « La nature et ses contributions à la vie des peuples se dégradent partout dans le monde ». Par le biais des médias, nous avons été repus de catastrophisme vague et de déclarations creuses - plus désespérantes, c’est intrigant, que l’apocalypse elle-même. « Il est temps d'agir de manière ferme ». « Nous devons être à la hauteur ». Avec pour ton un volontarisme sans contenu, et pour sujet ce « nous » acéphale, n’engageant personne, ou bien « L’Homme » majuscule, fourré dans tous les mauvais coups celui-là décidément, mais qui n’est jamais là quand il faut payer les pots cassés et redresser la barre. Ces déclarations furent prononcées solennellement mais sans foi par des acteurs politiques qui contribuent, double indécence, à la crise en question. Le gouvernement a aussi annoncé des mesures cosmétiques pour masquer l'étendue de son impuissance et de son absence de désir de s'intéresser à la question la plus importante du siècle.
C'est donc à l’intelligence collective de la société que revient le combat, sous des formes à inventer, expérimenter, profiler, propulser. Mille initiatives se construisent à bas bruit. Des
rebellions contre l’extinction. Des transformations d’usage des territoires. Une bataille culturelle aussi, sur le sens des mots, la formulation des problèmes, la nature de notre héritage
moderne, la priorisation des enjeux.
Nous sommes beaucoup à être conscients de la crise. Il y a de l'énergie et de l'intelligence à revendre. Nous n’avons plus d’envie, plus de temps à perdre en arguties, en postures puristes, en
romantisme révolutionnaire : il y a des choses à penser et à faire (et dans ce sens-là souvent, parce qu'« il n'y a rien de plus pratique qu'une bonne théorie 2 ».) Mais le sentiment
d’impuissance domine. Le problème, c'est la courroie de transmission entre nos mains et le monde. Il nous faut des idées dotées de mains, et de bonnes idées pour les mains
disponibles.
Extrait 2 :
Ce n'est pas une initiative (Vercors Vie Sauvage) au profit de la nature au détriment des humains, ni pour la nature en tant qu’elle sert le bien-être et la survie des humains : c’est une manière d’agir pour le bien de la communauté inséparable des vivants, dont les humains sont membres. L’enjeu est d’agir pour le bien de la communauté inséparable des vivants, dont les humains sont membres.
Maxime Lelièvre
Et pour d'autres zestes de sauvage, culture et voyage...
Ou comment rentrer en empathie avec les animaux que l'on piste est de nature à changer notre rapport à la nature...
Découvrez la présentation du projet de Vercors Vie Sauvage sur le site de l'ASPAS
Des points de vue, des réflexions d’auteurs, chercheurs, entrepreneurs, artistes et acteur de la biodiversité en faveur de l’action pour le Vivant
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MARTIN Pierre (dimanche, 06 septembre 2020 19:49)
Et tout le monde n'a pas le même avis et ressenti que nous... A voir la fronde organisée par les chasseurs et les agriculteurs drômois à Crest fin août 2020 ! Difficile de faire mieux comme séance d'intimidation il faut le reconnaître... Voir l'article de la feuille locale là-dessus : http://www.le-crestois.fr/index.php/journal-le-crestois/actus/3246-moutons-genisses-chasseurs-et-eleveurs-defilent-contre-l-aspas. Heureusement que dans la foulée, Charlie hebdo s'est déplacé sur Crest et a interviewé la responsable de l'ASPAS. Lire : https://charliehebdo.fr/2020/08/politique/interview-madline-rubin-les-chasseurs-ne-sont-pas-les-plus-nombreux-mais-ce-sont-les-plus-bruyants-et-les-plus-armes/. J'en retiens beaucoup de bonnes choses et aussi une citation "les-chasseurs-ne-sont-pas-les-plus-nombreux-mais-ce-sont-les-plus-bruyants-et-les-plus-armes"...