Raviver les braises du vivant ; Baptiste Morizot

Raviver les braises du vivant ; Baptiste Morizot ; Wildproject. Max de Nature

 Après Les pensées de l’écologie, je continue ma découverte des excellentes éditions de Wildproject avec Raviver les braises du vivant, du très inspirant Baptiste Morizot. Oui, encore Baptiste Morizot, c’est la troisième fois qu’il apparaît sur le site ! C’est que le philosophe n’a pas son pareil pour reformuler les problématiques écologiques, les rendre concrètes, « terre à terre »… pour permettre à chacun de se réapproprier l’enjeu majeur des siècles à venir ; c’est-à-dire conserver les conditions d’habitabilité de la Terre pour les vivants qui y habitent.

 

Tout au long de son ouvrage, Baptiste Morizot donne des clefs pour distinguer les usages de la Terre et les représentations du monde soutenables, propices au vivant, de ceux qui ne le sont pas… et ses clefs se révèlent indispensables si l’on veut s’y retrouver dans le capharnaüm des idées, innovations ou pratiques qui se réclament de l’écologie. Sans clefs (ou carte comme le présente Morizot), comment s’y retrouver quand la majorité des multinationales se « vendent » aussi vertes que le petit paysan en permaculture ? Comment s’y retrouver alors que, dans le même temps, ce même paysan s’écharpe avec des associations de protection de la nature sur des problématiques aussi bien foncières que philosophiques ? En prenant pour point de départ de son enquête philosophique la réserve de vie sauvage de l’ASPAS (Association pour la protection des animaux sauvages) dans le Vercors, l’auteur déconstruit petit à petit de nombreux « malentendus » hérités de la tradition moderne occidentale ; malentendus qui ont pour clef de voûte le dualisme entre nature et culture, entre artificiel et naturel, entre humain et animal, etc. Si le monde rural se déchire sur les réserves de vie sauvage (des zones ouvertes au public uniquement pour la promenade et la contemplation, mais où sont proscrites toutes autres activités), alors que dans le même temps de grosses boites vidant la Terre de ses ressources inondent l’Humanité d’ « ultimes » solutions vertes (voitures électriques, éoliennes et j’en passe), c’est que notre société ne se trouve pas encore en capacité d’identifier ce qui est bon ou pas pour la vie sur Terre, et donc pour nous humains faisant partie intégrante de cette vie qui trame son histoire depuis près de 4 milliards d’années.

Pour le dire brièvement, une réserve de vie sauvage dans laquelle les dynamiques vivantes se redéploient sans entraves, où la vie foisonne, ne devrait pas pouvoir entrer en conflit dur avec la paysannerie agroécologique dont les fondements même sont la confiance dans les dynamiques naturelles. Le véritable ennemi pour nourrir les humains, ce ne peux pas être un îlot qui rayonne de vie, qui stocke le carbone et l’eau comme « personne », qui permet à la biodiversité de s’épanouir… ce sont plutôt les forêts commerciales monospécifiques qui produisent des déserts de bois et assèchent les sols et la vie ; c’est plutôt le système agroéconomique se méfiant des dynamiques naturelles et tuant aveuglément les pollinisateurs à coup de pesticides ; c’est plutôt tout usage de la terre, de l’eau et du ciel qui entrave l’évolution du monde vivant, animal comme humain (puisque nous sommes « faits du même bois », nous respirons la même air, buvons la même eau, mangeons la même nourriture).

 

Grâce à ce livre, on cesse de penser l’Homme comme seul administrateur de la Terre (puisqu’il ne vit que grâce aux autres êtres vivants, pour l’eau, l’air et la terre) ; on dessine de nouvelles alliances philosophiques, politiques ; on sort d’un schéma de pensée mortifère où tout ce qui est fait pour la Nature l’est forcément au détriment de l’Homme (et vice-versa)… grâce à ce livre on se sent plus proche et gratifiant pour la guêpe qui butine à nos côtés et participe à propager le miracle de la vie (au même titre que le paysan en agroécologie ou le biologiste engagé), que pour l’écologiste qui instrumentalise la nature, l’infantilise et la pense au service de l’Homme (les fameux services écosystémiques!). Grâce aux ouvrages de Baptiste Morizot (dont Sur la piste animale), on retrouve confiance dans la nature, dans sa capacité à prodiguer la vie (si tant est qu’on la laisse faire!) ; on réenchante le monde vivant qui nous entoure, pas seulement pour ses « beaux yeux », mais aussi et surtout parce que c’est lui qui nous fait, qui nous nourrit, qui nous émerveille au quotidien.

Et puis, « je dis ça je dis rien », mais une primaire écologiste arrive à grand pas, ainsi qu’une élection présidentielle… quelques clefs pour appréhender les discours et intentions des candidats ne feront pas de mal !

 

Maxime Lelièvre

Et pour d'autres zestes de sauvage, culture et voyage...

Ou comment rentrer en empathie avec les animaux que l'on piste est de nature à changer notre rapport au monde vivant...

Une autre édition Wildproject, essentielle car elle englobe toutes les dimensions de l'écologie contemporaine

Et encore et toujours on en revient aux amérindiens... qui bien avant Morizot et Wildproject avaient sentis que notre destin est lié à celui des autres vivants


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